A combien s’élève la fortune de Donald Trump ? A-t-il des liens financiers avec la Russie ? Que cachent les prêts opaques accordés par la Deutsche Bank ? Combien d’impôts a-t-il payés ? Un président bénéficie-t-il d’une immunité absolue ? Voici les questions principales au cœur ce bras de fer entre la justice et les élus démocrates d’un côté, et la Maison Blanche de l’autre. Et la Cour suprême des Etats-Unis, chargée de jouer les arbitres, a semblé tiraillée lors de l’examen du dossier, mardi. Selon les observateurs, la tournure des débats laisse présager d’une décision qui pourrait couper la poire en deux. Elle doit être rendue d’ici la fin juin.
Coronavirus oblige, l’audience s’est déroulée au téléphone. Se disant protégé par son statut de président, le milliardaire républicain s’oppose à la transmission de toute une série de documents liés à ses affaires, réclamés par des commissions parlementaires et un procureur new-yorkais. Ce dernier enquête sur le versement de 130.000 dollars à l’ex-star du porno Stormy Daniels pour acheter son silence, à quelques semaines de la présidentielle de 2016, sur une liaison présumée avec Donald Trump.
« Pas au-dessus des lois »
« Un des principes fondamentaux de notre Constitution est que le président n’est pas au-dessus des lois », a rappelé la juge progressiste Elena Kagan, intervenant comme ses collègues depuis son domicile en raison de la pandémie de nouveau coronavirus. Mais, en même temps, « nous sommes inquiets du risque potentiel de harcèlement » du locataire de la Maison Blanche, a reconnu le magistrat conservateur John Roberts lors de cette audience retransmise en direct.
Soucieux de trouver la ligne d’équilibre dans ce dossier susceptible de peser sur la séparation des pouvoirs aux Etats-unis, les neuf magistrats ont assailli les parties de questions. De manière exceptionnelle, ils ont même largement dépassé les deux heures allouées aux débats.
Le premier enjeu du dossier est concret : l’arrêt de la cour permettra peut-être de lever le voile avant l’élection présidentielle du 3 novembre sur les affaires de Donald Trump, qui contrairement à tous ses prédécesseurs depuis les années 1970 refuse de publier ses déclarations d’impôts. Le milliardaire, candidat à sa réélection, a fait de sa fortune un argument de campagne, mais son manque de transparence alimente les spéculations sur l’étendue de sa richesse ou sur de potentiels conflits d’intérêt.
« Harcèlement présidentiel »
Après avoir repris le contrôle de la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat, les démocrates ont tenté de percer le mystère : trois commissions ont émis à partir d’avril 2019 des injonctions au cabinet comptable Mazars et aux banques Deutsche Bank et Capital One pour obtenir les archives relatives aux affaires de l’ancien magnat de l’immobilier de 2010 à 2018.
En parallèle, le procureur démocrate de Manhattan a émis une requête comparable auprès du cabinet Mazars dans le cadre d’une enquête portant sur une possible violation des lois new-yorkaises sur le financement des campagnes électorales.
Se posant en victime d’une « chasse aux sorcières » et d’un « harcèlement présidentiel », Donald Trump a saisi la justice pour bloquer ces injonctions. Après avoir perdu en première instance et en appel, il s’est tourné vers la Cour suprême. Lors de l’audience, ses avocats ont invoqué la nécessité de le protéger contre toute tentative de « harcèlement » pour qu’il puisse remplir ses fonctions sereinement. Au final, la cour pourrait donc chercher un compromis, par exemple en autorisant la requête ciblée du procureur de New York, mais pas celle, plus large, des élus démocrates.